(Cet article est paru dans les DNA du 26/10/2015)
Sur quel terrain de sport peut-on voir un papi de 78 ans croiser le fer avec une fillette de 6 ans ? Un échiquier. La preuve encore ce week-end à l’occasion du 7e Open du Mont Sainte-Odile, qui s’est tenu à Barr.
La pratique des échecs est mixte et intergénérationnelle. Lors de l’open du Mont Sainte-Odile, la plus jeune participante avait 6 ans, le plus âgé 78. – Photos DNA.
Pénétrer dans la salle des fêtes de la mairie de Barr pendant l’open d’échecs est toujours réjouissant. On s’attendrait à y trouver un silence de cathédrale et exclusivement des passionnés aux tempes blanchies. C’est tout le contraire. Les joueurs se lèvent et déambulent entre les coups, discutent; des enfants hauts comme trois pommes défient des personnes d’âge mûr, des filles affrontent des garçons. Bref, on est bien loin de l’image d’Épinal d’une partie d’échecs poussiéreuse entre seniors taiseux.
« Les échecs sont le seul sport mixte et intergénérationnel, tout le monde a sa place »
note Rachid Heddache, arbitre du tournoi et membre du club de Sélestat.
Lors de la compétition de ce week-end qui rassemblait 94 joueurs, la benjamine avait 6 ans, le doyen 78 ans. « À tout âge on peut être bon, assure Cécile Hasenfratz, responsable des jeunes au club d’Obernai – co-organisateur de l’open avec Barr. Quand on est jeunes on assimile même plus vite que les anciens. Certains commencent à 4 ans. »
C’est le cas de Maxence, 10 ans, du club de Dorlisheim/Schirmeck. « J’ai appris le déplacement des pièces avec ma mère mais j’ai intégré le club à 6-7 ans. J’aime la stratégie et la réflexion. » Le club d’Obernai compte une quinzaine de jeunes. « C’est compliqué de les garder tellement ils sont sollicités, reconnaît Cécile Hasenfratz. Mais les plus accros restent et progressent bien. »
« Les choses ont changé »
Le virus de l’échiquier a piqué Arnaud il y a sept ans, presque par hasard. « J’ai récupéré un flyer qui parlait du club, se souvient le garçon de 14 ans. Et puis, mon grand-père jouait beaucoup avec ses copains. C’était un peu pour reprendre le flambeau. » Membre du club de la Bruche, il s’adonne à sa passion 4 h 30 par semaine. Il a même participé aux championnats de France. « J’aime l’esprit d’équipe, rencontrer de nouvelles personnes. J’ai plein d’amis au club. Par contre, mes copains d’école, cela ne les intéresse pas. » « Ma fille ne dit pas trop en dehors qu’elle joue aux échecs », complète Cécile Hasenfratz.
L’étiquette de ringardise reste encore difficile à décoller. Pour autant, il y a du mieux, constate Rachid Heddache : « Les choses ont beaucoup changé depuis les années 80-90. À l’époque, quand on avait un jeune dans le club on était content. Maintenant, on a des entraîneurs, des formateurs, des championnats, la pratique s’est bien structurée. » Et elle se féminise. Delfine, 13 ans, joue au club de Sélestat avec ses frères et sœurs, et apprécie ce brassage. « C’est sympa de jouer contre des garçons et des adultes. »
Trois maîtres internationaux (dont Alain Genzling) étaient présents lors d’une compétition ouverte à tous les niveaux.
Sur le tournoi barrois, quatre joueurs expérimentés – trois maîtres internationaux et un maître FIDE – semblaient inatteignables. Mais pour les jeunes, les voir construire leur partie est toujours formateur. Et puis, pourquoi pas essayer de les bousculer ? Personne n’est à l’abri d’une défaillance, à tous les niveaux. « À n’importe quel âge, il faut une tête bien faite dans un corps bien fait, reprend Rachid Heddache. Les échecs sont un sport très exigeant. Au niveau professionnel, une partie peut durer 4 ou 5 h. On peut construire une position pendant 3 h et la ruiner avec un mauvais coup ! On n’a pas le droit au relâchement ». Comme dans tout sport de haut niveau.